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DE L'ESSENTIEL INVISIBLE



Les perspicaces parmi vous auront reconnu dans le titre de ce billet une allusion à la célèbre citation du renard de Saint-Exupéry dans Le Petit Prince : « L’essentiel est invisible pour les yeux ». Je ne parlerai toutefois pas ici du cœur, comme Saint-Exupéry, mais d’un autre élément tout à fait essentiel et pourtant tout à fait invisible, du moins pour les yeux. Je veux parler du vide.


De la vibration…


J’ai souhaité écrire ce billet pour approfondir un sujet qui m’intéresse beaucoup, celui de la vibration. J’ai écrit un papier précédent (voir mon billet intitulé « Quand Max Planck s’invite à table ») dans lequel je soulignais que la vibration vient de l’eau. Je rappelle que le vin est fait à 85% d’eau environ, en volume (c’est important de souligner que l’on parle ici de volume !). Si on exprimait la teneur en eau du vin en nombre de molécules d’eau par rapport au nombre total de molécules qui le composent, le pourcentage serait vertigineusement plus élevé. Je souhaite donc maintenant insister sur le pourquoi de la vibration de l’eau, autrement dit qu’est-ce qui fait vibrer l’eau. Ce n’est pas quelque chose que l’on trouve dans les livres consacrés au vin (que ce soient des livres d’œnologie, de dégustation, de viticulture, etc.) et c’est notamment pour cette raison que cela a particulièrement attiré mon attention. Tout simplement parce que ce qui grave dans votre mémoire le souvenir d’un grand vin, c’est précisément la vibration qu’il vous a transmise.


… au vide


Donc, qu’est-ce qui fait vibrer l’eau ? Eh bien c’est là où l’on en vient au vide. Qui s’intéresse à l’eau dans le vin ? Ben quasiment personne. Alors qui va s’intéresser au vide ? Heuuu… Et pourtant, réfléchissez-y une seconde. C’est bête à dire mais regardez ne serait-ce qu’une partition de musique. Sans vide entre les notes, il n’y aurait pas de son harmonieux. Qu’est-ce qui fait un sol vivant et pérenne ? C’est le vide dans lequel circule l’oxygène et la faune du sol, sans laquelle il ne peut y avoir d’humus. Encore, la simple présence se définit par rapport au vide qui l’entoure. Le vide est donc partout, et il agit en quelque sorte comme un chef d’orchestre.


Mais de quoi parle-t-on au juste ? Parce que jusqu’ici, j’ai plus l’air d’un poète qu’autre chose. Pour avoir les idées un peu plus précises, je vais me tourner vers la physique. Pourquoi ? Parce que la physique nous apprend deux choses essentielles (et invisibles, je n’oublie pas le titre de mon billet).


La première, c’est que dans un atome, donc dans le composant de toute matière, il y a 99,99999…% de vide. La matière en elle-même (le noyau et les électrons) ne représente que 0,00001…%. C’est pourtant ce sur quoi on se concentre, au lieu de regarder le vide. La matière, ce n’est en réalité quasiment rien d’autre que du vide. Si on se place au niveau supérieur, c’est-à-dire au niveau moléculaire, il y a par exemple dans l’eau (et donc grosso modo dans du vin), environ 50% en volume de vide (entre les molécules) et 50% de matière (les fameuses molécules H2O). L’importance du volume du vide dépend donc de l’échelle à laquelle on se place. Paradoxalement, plus on va vers l’infiniment petit, plus il y a de vide.


La seconde chose essentielle que nous apprend la physique, c’est que ce fameux vide… eh bien il n’est pas vide ! C’est contre-intuitif mais c’est pourtant quelque chose que nous savons inconsciemment. En effet, tout le monde sait que le bruit, donc une onde sonore/mécanique, ne se propage pas dans le vide. C’est normal, il n’y a pas d’air dans le vide, donc pas de support vibratoire pour l’onde sonore. Mais la lumière, quant à elle, se propage dans le vide. Nous l’expérimentons chaque fois que nous levons les yeux au ciel pour regarder la lumière des étoiles. Si la lumière se propage dans le vide, c’est donc que le vide n’est pas vide, sinon la lumière n’en sortirait pas (là on toucherait plutôt à la définition d’un trou noir, qui n’est pas non plus vide d’ailleurs…).


Nouvelle question donc : de quoi est fait le vide ? Je ne résiste pas ici au plaisir de citer le grand physicien américain John Wheeler (1911-2008) qui soulignait que « aucun point n’est plus important que celui-ci : l’espace vide n’est pas vide. Il est le siège de la physique la plus violente ». Gérard Mourou, le dernier Prix Nobel français de physique (2018) soutient que l’« on vient tous du vide. Le vide gouverne pratiquement toutes les lois de la physique. Essayer de comprendre le vide, c’est fondamental ». C’est un vrai sujet de recherche scientifique. L’un des travaux de Gérard Mourou, d’ailleurs, vise à faire « claquer le vide », comme il dit, c’est-à-dire à faire bouillir le vide, à l’aide d’un laser (ce pour quoi il a reçu le Prix Nobel soit dit en passant), pour pouvoir le décomposer et en observer ses constituants. Selon le professeur Marc Henry, physico-chimiste professeur à l’Université de Strasbourg (le « Harvard de la chimie » en France) : « Le vide est plein tout en étant vide ». Plein de quoi ? De lumière, de photons dits virtuels, c’est-à-dire des grains de lumière qui apparaissent et disparaissent en permanence à la plus petite échelle connue (l’échelle de Planck, c’est-à-dire l’échelle ultime à laquelle on peut définir un espace, égale à 10-33 centimètres). On appelle cela les fluctuations du vide quantique, qui découlent du principe d’incertitude de Heisenberg (l’un des pères de la physique quantique). Le vide serait en fait plein d’énergie, inaccessible bien sûr à nos sens.


C’est assez déconcertant de découvrir cela lorsqu’on n’a pas de formation scientifique poussée. C’est pourtant bien connu des scientifiques aujourd’hui et des expériences célèbres l’ont prouvé, connues sous le nom de l’Effet Casimir Statique, l’Effet Casimir Dynamique ou encore le Décalage de Lamb. Marc Henry, qui s’est beaucoup intéressé au vide et sa relation avec l’eau (on y reviendra plus loin), précise que « le vide et la matière sont faits de la même chose. Ce que l’on croit être de la matière est du vide et ce que l’on croit être du vide est de la matière. Il y a une échelle (l’échelle de Planck) ou on ne sait plus si ce que l’on voit est vide ou plein ». Où est la clé ? Comme souvent en science, dans l’échelle. A notre échelle, on sait faire la différence entre la matière et le vide. Mais à l’échelle quantique (c’est-à-dire à l’échelle atomique et subatomique), cette différence s’estompe voire disparait. Il ne faut jamais oublier que la notion d’échelle est fondamentale. Une illustration célèbre est celle de la relativité restreinte d’Einstein qui, en 1905, nous apprenait que l’espace et le temps sont en quelque sorte soudés, et non pas indépendants. L’un influence l’autre. Nous ne sommes simplement pas à la bonne échelle de vitesse pour nous en rendre compte. En 1915, il en remettait une couche avec la relativité générale, dans laquelle il incluait cette fois la masse. L’espace est modelé par la masse. Nous ne sommes simplement pas à la bonne échelle de masse pour nous en rendre compte.


A quoi sert le vide ?


Question suivante, à quoi sert le vide ? Le vide sert à faire des relations entre les choses. Pour Marc Henry, « le vide est ce qu’a inventé la nature pour faire parler la matière, pour que la matière se parle ». C’est le vide qui donne le sens. Pour en donner une image simple, pensez à un texte. Sans vide entre les mots, un texte ne serait qu’une suite d’informations, des lettres, sans aucun sens. C’est bien le vide qui sépare les mots et qui donne du sens. Eh bien dans la nature vue à travers les lunettes d’un physicien, c’est un peu la même chose.


Marc Henry va même plus loin en disant que le vide est le chef d’orchestre, c’est ce qui est à l’origine de tout. On entre alors ici dans un monde obscur, que les physiciens appellent la physique quantique des champs. Il s’agit d’aller plus loin que la matière pour se demander en gros d’où vient la matière. Marc Henry souligne que « c’est seulement en se tournant vers la théorie quantique des champs que l’on peut réaliser que le vide est une chose plus importante que la matière ». En deux mots, nous savons aujourd’hui que notre réalité matérielle est faite d’une multitude de particules élémentaires, aux noms tous aussi mystérieux les uns que les autres (électrons, quarks, photons, bosons, gluons, muons, tau…). Ce sont les composants des atomes et des relations d’interaction entre les atomes. A chaque particule correspond un champ, un champ d’énergie en quelque sorte. Selon la formule du physicien et vulgarisateur des sciences Etienne Klein, « à coup d’arguments plutôt et même sacrément mathématiques, la physique quantique des champs défend l’idée que les particules ne sont que les différents états d’excitation d’un champ, un champ quantique bien sûr, lequel lui-même n’est pas une vraie chose, mais au mieux ce que les mathématiciens appellent un opérateur ». Bref…


La théorie des domaines de cohérence


Bon, revenons-en au vin. Enfin plutôt à l’eau. J’ai sûrement perdu en chemin la plupart des lecteurs de ce billet à ce stade. Tant pis pour eux… Ce qui suit maintenant fait référence à une théorie scientifique qui existe depuis 1988, c’est-à-dire depuis la parution du fameux article de Jacques Benveniste dans la célèbre et prestigieuse revue scientifique Nature qui suggérait une « mémoire de l’eau » (qui lui vaudra malheureusement les déboires que l’on sait). Si l’« affaire Benveniste » a fait grand bruit, ce que l’on sait beaucoup moins c’est que, quelques semaines seulement après la parution de l’article de Benveniste, trois physiciens italiens (Emilio Del Giudice, Giuliano Preparata et Giuseppe Vitiello) ont publié un article scientifique en se basant sur cette fameuse physique quantique des champs, et en s’inspirant des propriétés de l’hélium liquide superfluide, pour développer les débuts d’une théorie qui pourrait servir de support scientifique à ce que l‘on appelle la « mémoire de l’eau », et donc, si l’on va plus loin, à l’homéopathie et à la dynamisation de l’eau (en agriculture biodynamique par exemple, pour ce qui intéresse les viticulteurs). Cette théorie existe toujours aujourd’hui et a fait l’objet de nombreuses publications scientifiques. Elle est notamment relayée en France avec force, depuis de nombreuses années, par le professeur Marc Henry, l’un des plus grands spécialistes de l’eau au monde.


Détaillons en quelques mots la thèse soutenue par cette théorie scientifique. Quand on parle de l’eau, on parle du champ électromagnétique, le champ associé au photon (la particule de lumière). L’idée consiste à dire qu’au moment où un photon virtuel surgit du vide (ce qui arrive en permanence, comme on l’a vu plus haut), il a une certaine probabilité de rencontrer une molécule d’eau avant de disparaître à nouveau dans le vide. S’il rencontre une molécule d’eau, il va l’exciter. La molécule d’eau va donc passer d’un état dit fondamental à un état excité, avant de revenir à son état fondamental en un laps de temps bien inférieur à la seconde. Une molécule d’eau n’étant jamais seule, elle peut passer son excitation à une voisine, au lieu de rendre le photon qui l’a excitée au vide. L’excitation se transmet alors de particules en particules qui se mettent à vibrer à la même fréquence et en cohérence de phase (à cette échelle, toujours elle, on est dans le monde quantique, avec un comportement ondulatoire). Le photon, qui a une fréquence électromagnétique, devient prisonnier d’un groupe de quelques millions de molécules d’eau, qui vibrent à l’unisson pour former ce que l’on appelle un domaine de cohérence. Les domaines de cohérence ont besoin d’une surface à deux dimensions pour exister. Dans un organisme vivant, cette surface peut correspondre à la membrane lipidique des cellules. Dans un remède homéopathique, les bulles d’air et autres impuretés présentes dans l’eau feront l’affaire.


On obtient donc, au contact avec ces surfaces à deux dimensions, une grande succession d’eau cohérente (en domaines de cohérence, qui renferment chacun une fréquence électromagnétique) et d’eau incohérente. Selon les calculs de Marc Henry, il y aurait environ 100 000 domaines de cohérence par cellule eucaryote à bicouche lipidique. Une nouvelle idée révolutionnaire consiste à inclure la théorie de l’information de Claude Shannon (grand ingénieur et mathématicien américain) dans le schéma, en associant à l’eau cohérente un 1, par exemple, et à l’eau incohérente un 0. On obtient donc une suite de 0 et de 1. C’est quoi ça ? Ben de l’information. L’information, ici, n’est pas écrite sur de la matière, comme dans nos ordinateurs, mais elle reposerait sur la phase quantique des domaines de cohérence.


Je m’arrêterai là sur le résumé de la théorie. Si cela a aiguisé la curiosité de certains lecteurs, n’hésitez pas à me contacter si vous voulez des références pour aller plus loin. Cette théorie, donc, bien que minoritaire dans le monde scientifique, il faut bien le dire, existe bel et bien depuis plus de 30 ans et s'accorde avec d’autres théories scientifiques en lien avec l’eau, notamment celle de l’eau EZ (pour « Exclusion Zone ») du chercheur américain mondialement connu Gerald H. Pollack, professeur à l’Université de Washington à Seattle. Nous y reviendrons dans un futur billet.


Une nouvelle approche du vin et du terroir


Cela étant dit, je me permets maintenant de revenir sur la citation de Bruno Quenioux, grande personnalité française du monde du vin, que je rapportai dans mon billet intitulé « Quand Max Planck s’invite à table », et qui, à la lumière de ce que j’ai exposé précédemment, pourra être relue avec plus de perspicacité : « La saveur ne doit pas être statique : elle vibre. […] C’est la source de la saveur qui vibre, et c’est elle qu’il faut écouter. C’est elle qui nous vivifie, c’est elle qui va nous donner l’ivresse, c’est elle qui va fabriquer le bouquet, porté par cette source : l’eau. Et pourtant un vin qui sent l’eau n’est pas compris et est rejeté par un grand nombre. Or un vin dans lequel on ne sent pas l’eau, la ‘source’, ce n’est pas naturel. L’eau porte tous les messages du terroir, qui se trouve sous et sur la terre. Tous ces messages sont des forces magnétiques unifiées dans l’eau » (La vie mystérieuse du vin, Editions Cherche Midi, 2019). L’information du terroir est véhiculée par l’eau.


A l’heure où la France cherche à se recentrer sur ses vins de terroir pour se démarquer des vins de cépage du Nouveau Monde, prendre soin de l’eau de son terroir, de ses vignes et de son vin est peut-être l’une des dernières choses qui viendrait à l’esprit d’un vigneron. Mais il faut bien prendre conscience que l’eau présente dans un pied de vigne, et donc dans une grappe de raisin, n’est pas la même eau que celle que l’on boit au robinet. Il s’agit d’une eau qui présente des caractéristiques différentes (démontré de manière tout à fait scientifique). C’est ce que l’on appelle l’eau liée, l’eau interfaciale ou encore l’eau morphogénique. Une formule plus choc, de Gerald Pollack, parle de « quatrième état de l’eau » (en plus de l’état solide, liquide et gazeux, que l’on a tous appris à l’école). Ce n’est ni plus ni moins que l’eau qui compose toute cellule vivante, aussi bien des êtres humains que des plantes, et donc des vignes.


Pour illustrer l’importance de l’eau (et du vide) dans un vin, je ne prendrai qu’un seul exemple, celui de la concentration du vin. On sait le goût des américains ou encore des ressortissants d’Amérique latine, entre autres, pour les vins concentrés. Il existe plusieurs façons de concentrer un vin. On peut par exemple saigner une cuve, c’est-à-dire ouvrir la vanne d’une cuve en macération pour en extraire du jus. Le rapport jus/matière devient alors plus favorable à la matière présente dans le moût. On peut encore effectuer une osmose inverse ou une évaporation, c’est-à-dire retirer de l’eau (donc du vide). L’œnologie expliquera ces différentes techniques à sa manière, avec ses outils d’analyse et ses mots. Mais on voit bien que derrière tout ça, c’est bien l’eau et le vide que l’on manipule. S’il est des vins dont la concentration, l’énergie et la vibration marquent profondément tous les dégustateurs qui ont la chance de les goûter (j’espère en faire partie un jour, à bon entendeur salut…), ce sont les vins de Lalou-Bize Leroy. Or, pour Madame Leroy, la concentration et l’énergie du vin ne peuvent être que naturelles si l’on veut atteindre les sommets de la qualité. Autrement dit en préservant l’eau et le vide que lui donnent ses raisins. Elle y parvient, entre autres, avec la biodynamie, à laquelle elle croit profondément, et avec des rendements minuscules grâce à une taille et un ébourgeonnage (encore plus important que la taille selon elle) extrêmement sévères. Dans une interview accordée à Thierry Desseauve, elle déclarait « je veux que le rendement soit bas parce que je veux que le message soit dense. Le vin a un message de vie à dire et je veux que cela soit clairement dit. […] C’est la vigne qui fait son rendement, c’est la vigne qui commande. Ça doit se passer à la vigne ».


En conclusion, qu'est-ce qu'un grand vigneron ? C'est un vigneron qui n'a pas peur du vide ! Le vide dans son sol, le vide dans son vin, et pourquoi pas le vide en lui-même, allez savoir…

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